05 Août Lettre à ma petite-fille

Maëlle,

Dans la lumière de ce matin de pleine lune, ta beauté émouvante a touché le coeur de tous ceux qui t’ont vu naître. Un grand amour se développe et pour toujours, autant pour les personnes présentes que pour toutes celles qui t’attendaient impatiemment.

Tu as effectué avec brio le passage de l’obscurité à la lumière diffuse enveloppant cette chambre sereine de ta naissance. Bravo !

Pour traverser le dernier passage de ton monde aqueux au monde terrestre, il t’aura fallu une nuit de beau travail, appliqué, patient, douloureux par moments, certainement courageux, en équipe avec ta maman elle aussi très concentrée sur la tâche à accomplir. Tu es bien venue !

8h16

As-tu eu conscience d’être sortie sans aucun souvenir de la chaleur salée de ta demeure des derniers temps ? D’avoir émergé vers le monde humain sous l’eau ? Comment pouvais-tu savoir qu’il ne fallait pas encore respirer ? Pas tant que tout ton visage serait hors de l’eau ? Comment les corps humains savent-ils survivre au voyagement entre les mondes ? Peut-être as-tu perçu l’amour qui t’attendait au dehors de cette eau tiède et bienfaisante. Peut-être bien que c’est toi qui a provoqué la prochaine poussée, la dernière poussée, appuyant tes longs pieds puissants sur les côtes de ta maman, impatiente de rencontrer les beaux visages baignés de larmes de tes parents. Et celui tout aussi baigné de larmes de ta grand-maman. Grâce à cette poussée, ta maman t’a prise d’un coup, te remontant vers son coeur et elle t’a étreinte amoureusement, en pleurant.

Il devait y avoir comme un brouillard t’entourant, des voix, des larmes de joie jetées sur ta nouvelle petite vie. Peut-être savais-tu exactement où tu venais d’atterrir ? Peut-être te demandais-tu plutôt : “Mais, où suis-je, qui suis-je ?” “Et qui sont ces gens qui me regardent avec tant d’amour ?”

Tu était là Maëlle, petite, magnifique et puissante. Tu venais d’arriver, sûre de toi et de ta vie malgré les mystères de la terre qui t’avait appelée il y a neuf mois.

Curieuse déjà, tu as ouvert les yeux bien grands, regardant tour à tour ta maman et ton papa, avec présence et émerveillement. Puis tu les as refermés. Lasse et bouleversée, tu t’es mise à pleurer, un peu, puis encore, tout doucement. Est-ce que la vie grondait autour de toi ? Est-ce que les bruits et les voix t’agressaient ? Peut-être les as-tu reconnues simplement ? À cet instant, j’ai pensé en un éclair de gratitude que ta maman a si bien fait de venir souper souvent chez moi, je suis certaine que tu as reconnu ma voix, comme celles de tes parents, et qu’ainsi tu t’es sentie un peu moins dans un monde étranger.

Il n’y a pas eu d’hésitaiton en toi, tu es venue effleurer nos coeurs, je l’espère avec ravissement, même si ton petit visage peine encore à exprimer ce que tu ressens. Pourtant, je sais que tu sais tout, tout à la fois, mais que c’est trop immense pour tout prendre dans ton âme. Combien de jours as-tu déjà passé sur la terre, combien de naissances, combien de joies et de peines ont marqué ton coeur vibrant, ouvert à ce nouveau personnage qui va se déployer en toi ?

Dans ces premières semaines, à la lisière de ta vie humaine, tu te replies souvent sur tes rythmes intérieurs, parfois indifférente à ceux des gens qui t’aiment déjà autant. C’est tellement immense à pressentir ce monde que nous t’offrons.

Chaque chose, chaque personne, chaque évènement entourant ta venue ont été finalement parfaits, parfaitement posés sur le rite immuable qui assiste à l’éveil de la vie humaine, tracé lumineux sur les exigences de la vie terrestre, source de bonheur et de difficultés. La vie, si impitoyable soit–elle, est également remplie d’enchantements. Il faudra t’en souvenir … toujours.

 

Pour toi Maëlle, avec tout mon amour,

Grand-maman

 

 

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