04 Sep Ceci est mon sein Docteur, pas le vôtre !

Perdre mon sein ou le garder ? Le jeter à la poubelle ou l’aimer tendrement ? Posée comme ça, c’est une décision qui semble facile à prendre, l’aimer tendrement allant de soi. Pourtant, ce fut difficile et il m’a fallu du courage pour m’opposer aux deux oncologues qui se sont penchés sur les résultats de plusieurs tests, les brandissant sous mon nez en même temps qu’un gros paquet de peurs et ce, sans jamais me regarder dans les yeux et sans jamais me demander ce qui me motivait à refuser une mastectomie totale.

Ils me conseillaient fortement d’enlever ce sein malade. Une grande partie de moi était certaine de vouloir le garder parce que je savais que j’en prenais soin mieux qu’ils ne savaient le faire. Une petite  partie de moi doutait, un jour sur deux.  J’ai choisi une procédure différente, une tumorectomie multiple (trois très petites masses avaient été découvertes dans mon sein droit) ou chirurgie mammaire conservatrice avec redrapage. Mon sein est marqué mais il est entier, enfin, presque. C’est la meilleure décision que j’ai prise l’année passée.

Dans mon dossier, il est écrit à plusieurs reprises: » Madame refuse l’ablation de son sein. » Je sais, ils doivent se protéger. Mais , j’aurais aimé qu’ils inscrivent que j’avais fait un choix éclairé plutôt que de parler d’un refus, leur attitude était extrêmement jugeante. Pour eux, je voulais le garder par coquetterie ou même par peur. Il n’y a pas eu d’écoute pour mes explications. Je dois dire que je n’ai pas essayé très fort de me faire comprendre, choquée par le manque de délicatesse qui entourait les quelques minutes de quelques discussions sur ce sujet. J’ai dû paraître bien entêtée !

J’ai gardé mon sein, l’intégrité de mon corps est intacte, il n’y a pas de vide dans mon corps. La représentation corporelle de la personne que je suis n’a rien perdu de sa plénitude. Ceci est mon sein, ceci est mon corps !

J’ai rencontré de tout dans le système médical, de l’arrogance, de l’incompétence, de la négligence, des airs absents ou irrités, du dédain pour les idées nouvelles. Les intervenants dans les hôpitaux sont des traitants plutôt que des soignants, c’est-à-dire que ce sont des personnes qui appliquent des protocoles à la lettre sur des cas de papier sans prendre vraiment contact avec l’âme des souffrants. Mais, j’ai aussi rencontré de la présence, de l’ouverture, de la bienveillance, des personnes aimantes, des personnes qui savent déjouer la froideur des soins administrés par une machine. Mon radiologiste, en particulier, était très attentif, très là même si bien las! Car, oui, j’ai aussi vu jusqu’à quel point les travailleurs dans les hôpitaux sont épuisés, débordés, déprimés. J’imagine que c’est pire en oncologie parce qu’ils se sentent impuissants devant une maladie souvent fatale et devant les lourdes conséquences des seuls traitements qu’ils ont à offrir.

J’ai lu  de nombreux témoignages de patients traités et parfois guéris qui remercient avec des éloges longs comme le bras l’équipe de soins qui les a tirés d’un mauvais pas. Je n’ai pas eu cette expérience. Je ne peux pas identifier « une équipe », j’ai eu affaire à des intervenants isolés. Je n’ai jamais eu d’infirmière-pivot et j’ai décidé à un moment de ne pas en faire la demande. Ce fut peut-être une erreur quand les examens se sont multipliés sans que personne ne puisse me dire pour quelles raisons ils étaient prescrits. Encore, des messages téléphoniques anonymes me disaient où me rendre et quand, rien de plus. Je rencontrais des techniciens qui appliquaient des protocoles sans trop savoir pourquoi. Les dossiers sont fragmentés et le bras droit qui fait les choses ne sait pas ce que le bras gauche en pense.

Dans ces circonstances, revenir à soi et se faire confiance est primordial mais pas du tout facile !

 

 

 

1Comment
  • Gisèle Thibault
    Posted at 17:46h, 05 septembre Répondre

    J’ai un vif sentiment d’admiration une fois encore. Chère, chëre Caroline,

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